1.1 - Établir une stratégie nationale pour l'industrie automobile
Le Canada a le potentiel pour devenir une superpuissance automobile sur la scène mondiale. Une capacité de production accrue dans le domaine de l'assemblage de véhicules et de la production de pièces peut alimenter la croissance en créant de bons emplois syndiqués, en améliorant les compétences des travailleuses et travailleurs, ainsi qu’en garantissant les investissements dans les progrès et les innovations technologiques. Qui plus est, le Canada peut se positionner stratégiquement comme un chef de file mondial à chaque étape de la chaîne d'approvisionnement. Ce leadership consiste notamment à tirer profit des véhicules à moteur à combustion interne qui dominent encore le marché ainsi que des véhicules à propulsion alternative à zéro émission qui connaissent une croissance rapide et ce, de l'extraction et du raffinage des minéraux essentiels, dont le Canada possède d'importantes réserves, jusqu'au recyclage. Du point de vue du développement économique, le Canada fait l'envie du monde entier.
Position dominante du Canada en ce qui concerne les minerais requis pour la production de véhicules électriques
Toutefois, cette expansion, et les avantages économiques qui l'accompagnent, ne se réaliseront pas en l’absence d’actions concrètes de la part du gouvernement. Les gouvernements ne peuvent pas se contenter d'applaudir les engagements relatifs aux produits, les efforts d'expansion industrielle et la création d'emplois, en ramenant les arguments idéologiques de « faibles taxes » et de »normes de travail flexibles ». Au contraire, des pays partout dans le monde, comme les États-Unis, la Chine, l'Allemagne, la France, le Japon, la Corée, le Brésil et d'autres, abordent le développement du secteur automobile comme une priorité stratégique en utilisant une gamme d'outils de commerce, d'investissement et de surveillance économique pour atteindre des objectifs nationaux plus larges dans les domaines de la création d'emplois ou de la décarbonisation.
Les gouvernements fédéral et provinciaux du Canada comprennent clairement le potentiel stratégique de la croissance du secteur automobile. Les outils d'attraction des investissements, en particulier le Fonds stratégique pour l’innovation du gouvernement fédéral et son initiative Accélérateur net zéro, ont démontré leur efficacité. Par exemple, les sommes fournies par le Fonds stratégique pour l’innovation, qui ont été égalées à raison d'un dollar pour un dollar par le gouvernement de l'Ontario, ont permis de mobiliser près de 2 milliards de dollars pour le réoutillage de l'usine d'assemblage de Ford à Oakville, ainsi que du soutien financier pour les usines de GM à Oshawa et Ingersoll, ainsi que les installations de Stellantis à Windsor et Brampton. La majeure partie de ces engagements a été négociée dans le cadre des négociations collectives d'Unifor-Detroit 3 en 2020. 1 2 De plus, les gouvernements continuent d'affecter des ressources internes pour diriger des tables stratégiques, des dialogues avec les parties prenantes et d'autres initiatives pour mieux comprendre et activer ce virage.
Investissements majeurs au Canada dans les véhicules électriques de septembre 2020 à juillet 2022
Toutefois, la solidification et la croissance du secteur automobile et de sa chaîne d'approvisionnement connexe exigent plus que des engagements en matière de subventions. Il faut aussi une approche pangouvernementale plus cohérente du développement du secteur, étayée par une stratégie industrielle globale et axée sur les objectifs.
1 Voir CBC News (8 octobre 2020): https://www.cbc.ca/news/business/ford-oakville-government-1.5754974
2 Voir CBC News (4 avril 2022): https://www.cbc.ca/news/canada/london/gm-plants-government-funding-1.6407621
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#1. Établir une stratégie et un programme industriels nationaux complets pour le secteur automobile.
La croissance du secteur automobile et la maximisation des avantages associés à la position du Canada en tant que puissant dans l’ensemble de la chaîne d'approvisionnement nécessitent une coordination et des objectifs clairement articulés, y compris des cibles en matière de capacité des usines et de capacité de production. En l'absence d'un tel plan, le développement du secteur risque de se faire selon une échelle de temps plus politisée qui traite l'investissement comme un outil de compétitivité politique plutôt que comme un élément de construction économique stratégique. Une stratégie industrielle globale pour l'automobile peut efficacement servir de cadre dans lequel les représentants du gouvernement, dans divers ministères et aux niveaux fédéral, provincial, territorial et municipal, doivent comprendre et élaborer d'autres mesures stratégiques connexes, notamment les mandats relatifs à l'efficacité des véhicules, la politique commerciale transfrontalière, les priorités en matière de développement régional et d'infrastructure ainsi que la formation professionnelle, l'adaptation et les incitatifs fiscaux, entre autres.
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#2. Attribuer la responsabilité de la stratégie du secteur automobile du Canada à un ministère dédié.
Les efforts déployés pour coordonner une stratégie industrielle globale et nationale entre divers ministères et organismes fédéraux (dont Innovation, Sciences et Développement économique, Ressources naturelles Canada, Emploi et Développement social Canada, entre autres) sans un organisme de surveillance spécialisé se traduisent à la fois par une grande complexité et par une utilisation inefficace des ressources gouvernementales. Il en va de même pour les gouvernements provinciaux, notamment celui de l'Ontario. Il est essentiel de confier la responsabilité de ce travail à un bureau spécialisé. Un organisme gouvernemental disposant de ressources adéquates et responsable de la stratégie du secteur automobile canadien pourrait fonctionner comme un ministère autonome du Développement de la chaîne d'approvisionnement automobile, doté d'un personnel spécialisé, de pouvoirs décisionnels et d'un mandat spécifique. Il est également essentiel d'établir un organisme fédéral-provincial permanent pour coordonner ces efforts.
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#3. Établir un cadre d'attraction des investissements « à guichet unique ».
Par l'entremise du ministère du Développement de la chaîne d'approvisionnement automobile, les gouvernements doivent établir une division unique et rationalisée d'attraction des investissements qui promouvoir les nouvelles possibilités d'investissement et aider à diriger les demandes vers les divers programmes de financement fédéraux et provinciaux ainsi que les programmes de soutien municipaux. Une telle approche aiderait à obtenir de nouveaux mandats de production de véhicules et de pièces détachées ainsi que des investissements connexes dans la chaîne d'approvisionnement au Canada. Un « guichet unique » peut accélérer les procédures de demande et d'examen, apporter une plus grande expertise gouvernementale au processus de demande et aider à éviter les retards inutiles. Les gouvernements doivent également s'assurer que le soutien à l'investissement pour les grands projets du secteur de l'automobile est égal ou supérieur à celui des juridictions concurrentes.
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#4. Promouvoir des politiques commerciales qui favorisent la stabilité de l'emploi et les principes du commerce équitable.
De tous les produits manufacturés au Canada, les voitures et les pièces automobiles constituent le produit d'exportation le plus précieux du pays. Même à ses débuts, l'industrie automobile a toujours été fortement tributaire du commerce transfrontalier, principalement en Amérique du Nord. Malheureusement, la poursuite incessante par le Canada de prétendus accords de libre-échange, y compris avec des pays à bas salaires, à faibles coûts et résistants aux importations, contribue à un déséquilibre concurrentiel pour le secteur automobile national. Il faut savoir que pendant la majeure partie de son histoire, le Canada a exporté plus de véhicules et de pièces dans le monde qu'il n'en a importé. En 2005, le Canada a déclaré son dernier excédent commercial annuel dans le secteur de l'automobile, soit 4,5 milliards de dollars. Depuis, le déficit commercial du Canada dans le secteur de l'automobile a augmenté pour atteindre plus de 37 milliards de dollars en 2021, un nouveau record.3
Solde des échanges de l’industrie automobile canadienne (2002-2021)
Source: Données sur le commerce en direct (consultée le 29 avril 2022)
Pendant de nombreuses années, le Canada a brandi l'accès à son marché automobile et, par extension, au marché nord-américain, comme une carotte pour obtenir de nouveaux accords de libre-échange, notamment avec le Mexique, la Corée et l'Union européenne, entre autres. Cette approche a exercé une pression supplémentaire sur les travailleuses et travailleurs canadiens de l'automobile pour qu'ils réduisent leurs salaires et d'autres coûts, sous la menace de délocalisation et de perte d'emploi. Le renforcement des dispositions relatives au commerce et à la main-d'œuvre dans le secteur de l'automobile dans le nouvel accord commercial nord-américain qui a remplacé l'ALENA, l'Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM), est un pas dans la bonne direction, mais il reste encore beaucoup à faire. Le Canada doit préconiser des politiques commerciales qui favorisent l'expansion de l'industrie automobile nationale et l’amélioration des conditions de ses travailleuses et travailleurs, au lieu de leur nuire, en renégociant ou en se retirant des traités commerciaux qui ne répondent pas à cet objectif.
3 Statistique Canada, consulté par l’entremise du portail sur les Données sur le commerce, 5 avril 2022.