4.1 Encourager activement les emplois syndiqués et la négociation collective
Les emplois du secteur automobile sont en grande partie de bons emplois. Les travailleuses et travailleurs de l'assemblage automobile au Canada, par exemple, gagnent des salaires d'environ 30 pour cent supérieurs à la moyenne nationale pour toutes les travailleuses et tous les travailleurs.50 Ces salaires supérieurs à la moyenne, ainsi que l'accès à des assurances collectives supplémentaires, à des pensions, à des programmes de maintien du revenu et à d'autres avantages, sont le résultat de la négociation collective menée depuis des décennies par Unifor. Ces « avantages syndicaux » sont si bien établis dans l'industrie automobile que tous les constructeurs, y compris Toyota et Honda, dont les travailleuses et travailleurs ne sont toujours pas syndiqués, offrent des avantages comparables. Les avantages non syndiqués, bien sûr, ne sont pas défendus par la représentation syndicale des travailleuses et travailleurs. Les effets positifs de la syndicalisation ont positionné le secteur automobile comme un moteur de bons emplois à revenu moyen générant des retombées économiques importantes pour les familles, les quartiers et les communautés. En 2019, par exemple, les salaires des travailleuses et travailleurs de l'automobile ont contribué à hauteur de 8,7 milliards de dollars à l'économie au sens large.51
Il est frustrant de constater que des lois du travail rigides et déséquilibrées privent beaucoup trop de travailleuses et travailleurs des avantages de la syndicalisation. Ce phénomène est aussi vrai au Canada que dans d'autres pays du monde. Malgré les niveaux élevés de syndicalisation dans le secteur de l'assemblage automobile, où environ deux tiers des travailleuses et travailleurs sont couverts par la négociation collective, les taux de syndicalisation sont plus faibles chez les petits fournisseurs de pièces, environ la moitié du taux du secteur de l'assemblage, ainsi que dans la distribution, les services et les concessionnaires. Dans l'ensemble, le taux de syndicalisation du secteur privé au Canada se situe aujourd'hui autour de 15 pour cent de la main-d'œuvre, alors qu'il était de près de 30 pour cent au début des années 1980.52 Les constructeurs d'automobiles, comme d'autres entreprises multinationales, continuent de profiter des accords commerciaux mondiaux et de l'expansion des chaînes d'approvisionnement mondiales pour s'approvisionner en marchandises dans des pays où les coûts sont faibles et où il n'y a pas de syndicat. La concurrence mondiale croissante pour les mandats de production crée un environnement plus abusif qui exerce une pression à la baisse sur les droits des travailleuses et travailleurs.
Pour changer de cap, tous les paliers de gouvernement doivent plaider activement en faveur de la syndicalisation et établir des lois qui améliorent l'accès des travailleuses et travailleurs aux syndicats et à la libre négociation collective - un droit fondamental en vertu de la Constitution canadienne ainsi que des normes internationales du travail. Des lois du travail équitables doivent protéger le droit des travailleuses et travailleurs à se syndiquer contre l'intimidation et les menaces des employeurs. Pour ce faire, il faut notamment prévoir des mécanismes plus rapides et plus efficaces d'accréditation des syndicats, des modèles de négociation collective alternatifs et à large assise et des sanctions plus sévères pour les employeurs qui enfreignent la loi.
50 Voir Unifor, Faits en bref, l’industrie automobile canadienne 2020.
51 Ibid.
52 Les données sur la couverture syndicale sont disponibles via l'Enquête sur la population active de Statistique Canada: https://www150.statcan.gc.ca/t1/tbl1/en/cv.action?pid=1410007001 Données historiques provenant de l'enquête sur l'histoire du travail.
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#22. Exiger de tous les bénéficiaires d'aide publique à l'investissement qu'ils établissent des clauses de neutralité syndicale comme condition de financement.
Le Fonds stratégique d'innovation s'est révélé être un outil puissant pour mobiliser des fonds publics afin de stimuler l'investissement et de développer stratégiquement des industries clés, y compris l'automobile. Ceux qui reçoivent des fonds publics de n'importe quel palier de gouvernement doivent s'engager à faire progresser les objectifs sociaux généraux du Canada, en veillant à faire progresser les droits constitutionnels des travailleuses et travailleurs. En l’occurrence, les employeurs doivent s'engager à faire respecter les droits syndicaux fondamentaux dans le cadre de leurs activités au Canada et s'engager à adopter une position neutre à l'égard de la syndicalisation des employés, ce qui signifie qu'ils permettront aux travailleuses et travailleurs d'accréditer un syndicat sans ingérence ni intimidation.
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#23. Établir l'accréditation syndicale par carte dans toutes les juridictions.
Afin de soutenir le droit des travailleuses et travailleurs à la syndicalisation, le processus d'accréditation doit être équitable pour les travailleuses et travailleurs et exempt d'intimidation de la part des employeurs. L'accréditation automatique d'un syndicat lorsqu'une majorité de travailleuses et travailleurs signent une carte syndicale élimine la nécessité d'organiser un second vote, souvent entaché de contre-campagnes patronales. Cela crée également une voie moins conflictuelle et plus juste pour les travailleuses et travailleurs, y compris les travailleuses et travailleurs de l'automobile, pour exercer leur droit de se syndiquer et d'entreprendre des négociations collectives.
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#24. Exiger que tous les accords commerciaux comprennent des dispositions solides et exécutoires en matière de travail.
Le Canada est une nation commerçante. Cependant, les accords commerciaux préférentiels, y compris les accords de libre-échange, les pactes d'investissement et autres, n'ont, au cours des 30 dernières années, ni développé l'industrie automobile canadienne, ni amélioré les salaires et les conditions de travail des travailleuses et travailleurs de l'automobile. Au contraire, la mondialisation induite par le libre-échange a encouragé les constructeurs automobiles multinationaux à étendre les chaînes d'approvisionnement sur de plus longues distances et à s'assurer des profits plus importants en transférant la production dans des pays où les coûts sont faibles. Dans la plupart des cas, les accords commerciaux offrent aux travailleuses et travailleurs peu ou pas de recours pour lutter contre ces pratiques d'exploitation. Toutefois, les modifications apportées à l'ALENA en 2020 ont marqué un changement important dans la manière dont les protections du travail peuvent s'entrecroiser avec le libre-échange. En vertu du nouveau pacte commercial nord-américain, l’ACEUM, les employeurs s'exposent à des sanctions sévères s'ils nient le droit des travailleuses et travailleurs à la libre négociation collective et à l'organisation syndicale, pouvant aller jusqu'à l'interdiction des exportations. Les travailleuses mexicaines et travailleurs mexicains de l'usine de camions GM à Silao ont réussi à organiser un syndicat indépendant en février 2022,53 rompant ainsi avec un accord de protection vieux de plusieurs décennies qui bafouait les droits des travailleuses et travailleurs de l'automobile. Le syndicat indépendant a été organisé après que le gouvernement des États-Unis avait invoqué les protections spéciales du travail et menacé de sanctions en vertu de l’ACEUM. Tous les accords commerciaux conclus par le Canada doivent inclure des clauses qui obligent les gouvernements et les employeurs à adhérer aux normes internationales du travail, y compris le droit à la négociation collective libre et équitable, clauses soutenues par des conditions pleinement exécutoires et accessibles aux travailleuses et travailleurs.
53 Voir Reuters (3 février 2022), “'Fed up' GM workers in Mexico pick new union in historic vote »: https://www.reuters.com/business/autos-transportation/gm-workers-mexico-elect-independent-union-historic-labor-vote-2022-02-03/
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#25. Développer un cadre de négociation sectorielle pour l'industrie des pièces automobiles.
Des conditions de travail normalisées, telles que les salaires et les avantages sociaux dans un secteur ciblé, offrent une certaine stabilité et sécurité aux travailleuses et travailleurs, en particulier dans une industrie des pièces automobiles marquée par une forte pression et une grande concurrence en termes de coûts. Contrairement au secteur de l'assemblage automobile, composé d'une poignée de fabricants d'équipement d'origine dont les salaires et les avantages sociaux sont généralement alignés et respectent les conditions du règlement cadre négocié par Unifor, l'industrie des pièces représente un éventail de grandes entreprises de premier niveau et de petites entreprises de deuxième niveau. Par conséquent, les taux horaires de rémunération sont éparpillés, allant du salaire minimum à plus de 30 $ l'heure selon le fournisseur, tout comme les avantages sociaux, les taux de prime et les autres conditions d'emploi. À l’instar d'autres pays constructeurs d'automobiles, y compris ceux d'Europe, les gouvernements du Canada doivent explorer les mérites d'un cadre de négociation collective sectorielle visant à soutenir les travailleuses et travailleurs, à créer une certitude de coûts pour les fournisseurs et à éliminer l'incitation à réduire les coûts de la main-d'œuvre comme moyen d'attirer les investissements.